La Jetée
Chris Marker
(ou a voz em inglês, aqui)
Ceci est l'histoire d'un homme marqué par une image d'enfance.
La scène qui le troubla par sa violence, et dont il ne devait comprendre que beaucoup plus tard la signification, eut lieu sur la grande jetée d'Orly, quelques années avant le debut de la troisième guerre mondiale.
A Orly, le dimanche, les parents mènent leurs enfants voir les avions en partance. De ce dimanche, l'enfant dont nous racontons l'histoire devait revoir longtemps le soleil fixe, le dècor planté au bout de la jetée, et un visage de femme.
Rien ne distingue les souvenirs des autres moments: ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. Ce visage qui devait Être la seule image du temps de paix à traverser le temps de guerre, il se demanda longtemps s'il l'avait vraiment vu, ou s'il avait créé ce moment de douceur pour étayer le moment de folie qui allait venir, avec ce bruit soudain, la geste de la femme, ce corps qui bascule, les clameurs des gens sur la jetée, brouillés par la peur. Plus tard, il comprit qu'il avait vu la mort d'un homme.
Et quelque temps après, vint la destruction de Paris.
Beaucoup moururent. Certains se crurent vainqueurs. D'autres durent prisonniers. Les survivants s'établirent dans le réseau des souterrains de Chaillot.
La surface de Paris, et sans doute de la plus grande partie du monde, était inhabitable, pourrie par la radioactivité. Les vainqueurs montaient la garde sur un empire de rats. Les prisonniers étaient soumis è des expériences qui semblaient fort préoccuper ceus qui s'y livraient. Au terme de l'expérience, les uns étaient déçus, les autres étaient morts, ou fous.
C'est pour le conduire à la salle d'expériences qu'on vint chercher un jour, parmi les prisonniers, l'homme dont nous rancontons l'histoire.
Il avait peur. Il avait entendu parler du chefs des travaux. Il pensait se trouver en face de Savant fou, du docteur Frankenstein. Il vit un homme sans passion, qui lui expliqua posément que la race humaine était maintenant condamnée, que l'Espace lui était fermé, que la seule liaison possible avec les moyens de survie passait par le Temps. Un trou dans le Temps, et peut-être y ferait-on passer des vivres, des médicaments, des sources d'énergie.
Tel était le but des expériences : projeter dans le Temps des émissaires, appeler le passé et l'avenit au secours du présent.
Mais l'esprit humain achoppait. Se réveiller dans un autre temps, c'était naître une seconde fois, adulte. Le choc était trop fort. Après avoir ainsi projeté dans differéntes zones du Temps des corps sans vie ou sans conscience, les inventeurs se concentraient maintenant sur des sujets doués d'images mentales très fortes. Capables d'imaginer ou de rêver un autre temps, ils seraient peut-être capables de s'y réintégrer.
La police du camp épiait jusqu'aux rêves. Cet homme fut choisi enter mille, pour sa fixation sur une image du passé.
Au début, rien d'autre que l'arrachement au temps présent, et ses chevalets. On recommence. Le sujet ne meurt pas, ne délire pas. Il souffre. On continue. Au dixième jour d'expérience, des image commencent à sourdre, comme des aveux. Un matin du temps de paix. Une chambre du temps de paix, une vraie chambre. De vrais enfants. De vrais oiseaux. De vrais chats. De vrais tombes. Le seizième jour, il est sur la jetée.
Vide. Quelquefois, il retrouve un jour de bonheur, mais différent, un visage de bonheur, mais différent. Des ruines. Une fille qui pourrait être celle qu'il cherche. Il la croise sur la jetée. D'une voiture, il la voit sourire. D'autres images se présentent, se mêlent, dans un musée qui est peut-être celui de sa mémoire.
Le trentième jour, la rencontre a lieu.
Cette fois, il est sûr de la reconnaître. C'est d'ailleurs la seule chose dont il est sûr, dans ce monde sans date qui le bouleverse d'abord par sa richesse. Autour de lui, des matériaux fabuleux : le verre, le plastique, le tissu-éponge. Lorsqu'il sort de sa fascination, la femme a disparu.
Ceux qui mènent l'expérience reasserrent leur contrôle, le relancent sur la piste. Le temps s'enroule à nouveau, l'instant repasse. Cette fois, il est pràs d'elle, il lui parle. Elle l'accueille sans étonnement. Ils sont sans souvenirs, sans projets. Leur temps se construit simplement autour d'eux, avec pour seuls repères le goût du moment qu'ils vivent, et les signes sur les murs.
Plus tard, ils sont dans un jardin. Il se souvient qu'il existait des jardins. Elle l'interroge sur son collier, le collier du combattant qu'il portait au début de cette guerre qui éclatera un jour. Il invents une explication.
Ils marchent. Ils s'arrêtent devant uns coupe de sequoia couverte de dates historiques. Elle prononce un nom étranger qu'il ne comprend pas *. Comme en rêve, il lui montre un point hors de l'arbre. Il s'entend dire : « Je viens de là... »
... et y retombe, à bout de forces. Puis une autre vague du Temps le soulève. Sans doute lui fait-on une nouvelle piqûre.
Maintenant, elle dort au soleil. Il pense que, dans le monde où il vient de reprendre pied, le temps d'être relancé vers elle, elle est morte.
Réveillée, il lui parle encore. D'une véritétrop fantastique pour être reçue, il garde l'essentiel : un pays lointain, une longue distance à parcourir. Elle l'écoute sans se moquer.
Est-ce le même jour? Il ne sait plus. Ils vont faire comme cela une infinité de promenades semblables, où se creusera entre eux une confiance muette, une confiance à l'état pur. Sans souvenirs, sans projets. Jusqu'au moment où il sent, devant eux, une barrière.
Ainsi se termina la première série d'expériences. C'était le début d'une période d'essais où il la retrouverait à des moments différents. Elle l'accueille simplement. Elle l'appelle son Spectre. Un jour, elle semble avoire peur. Un jour, elle se penche sur lui. Lui ne sait jamais s'il se dirige vers elle, s'il est dirigé, s'il invente ou s'il rêve.
Vers le cinquantième jour, ils se rencontrent dnaans un musée plein de bêtes éternelles.
Maintenant, le tir est parfaitement ajusté. Projeté sur l'instant choisi, il peut y demeurer et s'y mouvoir sans peine. Elle aussi semble apprivoisée. Elle accepte comme un phénomène naturel les passages de ce visiteur qui apparait et diparait, qui existe, parle, rit avec elle, se tait, l'écoute et s'en va.
Lorsqu'il se retrouva dans la salle d'expériences, il sentit que quelque chose avait changé. Le chef du camp était là Aux propos échangés autour de lui, il comprit que, devant le succès des expériences sur le passé, c'était dans l'avenir qu'on entedait maintenant le projeter.n L'excitation d'une telle aventure lui cacha quelque temps l'idée que cette rencontre au Muséum avait la dernière.
L'avenir était mieux défendu que le passé. Au terme d'autres essais encore plus éprouvants pour lui, il finit par entrer en résonance avec le monde futur. Il traversa une planète transformée, Paris reconstruit, dix mille avenues incompréhensibles. D'autres hommes l'attendaient. La rencontre fut brève. Visiblement, ils rejetaient ces scories d'une autre époque. Il recita sa leçon. Puisque l'humanité avait survécu, elle ne pouvait pas refuser à son propre passé les moyens de sa survie. Ce sophisme fut accepté comme un déguisement du Destin. On lui donna une centrale d'énergie suffisante pour remmettre en marche toute l'industrie humaine, et les portes de l'avenir furent refermées.
Peu de temps après son retour, il fut transféré dans une autre partie du camp.
Il savair que ses geôliers ne l'épargneraient pas. Il avait été un instrument entre leurs mains, son image d'enfance avait servi d'appàât pour le mettre en condition, il avait répondu à leur attente et rempli son rôle. l n'attendait plus que d'êtreliquidé, avec quelque part en lui le souvenit d'un temps deux fois vécu. C'est au fond de ces limbes qu'il reçut le message des hommes de l'avenit. Eux aussi voyageaient dans le Temps, et plus facilement. Maintenant ils étaient là et lui proposaient de l'accepter parmi eux. Mais sa requête fut differente : plutôt que cet avenir pacifié, il demandait qu'on lui rende le monde de son enfance et cetter femme qui l'attendait peut-être.
Une fois sur la grande jetée d'Orly, dans ce chaud dimanche d'avane guerre où il allait pouvoir demeurer, il pensa avec un peu de vertige que l'enfant qu'il avait été devait se trouver là aussi, à regarder les avions. Mais il chercha d'abord le visage d'une femme, au bout de la jetée. Il courut vers elle. Et lorsqu'il reconnut l'homme qui 'avaitl'l suivi depuis le camp souterrain, il comprit qu'on ne s'évadait pas du Temps et que cet instant qu'il lui avait été donneé de voir enfant, et qui n'avait pas cessé de l'obséder, c'était celui de sa propre mort.
- - -
This is the story of a man, marked by an image from his childhood. The violent scene that upsets him, and whose meaning he was to grasp only years later, happened on the main jetty at Orly, the Paris airport, sometime before the outbreak of World War III.
Orly, Sunday. Parents used to take their children there to watch the departing planes.
On this particular Sunday, the child whose story we are telling was bound to remember the frozen sun, the setting at the end of the jetty, and a woman's face.
Nothing sorts out memories from ordinary moments. Later on they do claim remembrance when they show their scars. That face he had seen was to be the only peacetime image to survive the war. Had he really seen it? Or had he invented that tender moment to prop up the madness to come?
The sudden roar, the woman's gesture, the crumpling body, and the cries of the crowd on the jetty blurred by fear.
Later, he knew he had seen a man die.
And sometime after came the destruction of Paris. Many died. Some believed themselves to be victors. Others were taken prisoner. The survivors settled beneath Chaillot, in an underground network of galleries.
Above ground, Paris, as most of the world, was uninhabitable, riddled with radioactivity.
The victors stood guard over an empire of rats. The prisoners were subjected to experiments, apparently of great concern to those who conducted them. The outcome was a disappointment for some - death for others - and for others yet, madness. One day they came to select a new guinea pig from among the prisoners.
He was the man whose story we are telling.
He was frightened. He had heard about the Head Experimenter. He was prepared to meet Dr. Frankenstein, or the Mad Scientist. Instead, he met a reasonable man who explained calmly that the human race was doomed. Space was off-limits. The only hope for survival lay in Time. A loophole in Time, and then maybe it would be possible to reach food, medicine, sources of
energy.
This was the aim of the experiments: to send emissaries into Time, to summon the Past and Future to the aid of the Present.
But the human mind balked at the idea. To wake up in another age meant to be born again as an adult. The shock would be too great.
Having only sent lifeless or insentient bodies through different zones of Time, the inventors where now concentrating on men given to very strong mental images. If they were able to conceive or dream another time, perhaps they would be able to live in it.
The camp police spied even on dreams. This man was selected from among a thousand for his obsession with an image from the past. Nothing else, at first, put stripping out the present, and its racks. They begin again.
The man doesn't die, nor does he go mad. He suffers.
They continue. On the tenth day, images begin to ooze, like confessions. A peacetime morning. A peacetime bedroom, a real bedroom. Real children. Real birds. Real cats. Real graves. On the sixteenth day he is on the jetty at Orly. Empty. Sometimes he recaptures a day of happiness, though different. A face of happiness, though different. Ruins.
Ceci est l'histoire d'un homme marqué par une image d'enfance.
La scène qui le troubla par sa violence, et dont il ne devait comprendre que beaucoup plus tard la signification, eut lieu sur la grande jetée d'Orly, quelques années avant le debut de la troisième guerre mondiale.
A Orly, le dimanche, les parents mènent leurs enfants voir les avions en partance. De ce dimanche, l'enfant dont nous racontons l'histoire devait revoir longtemps le soleil fixe, le dècor planté au bout de la jetée, et un visage de femme.
Rien ne distingue les souvenirs des autres moments: ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. Ce visage qui devait Être la seule image du temps de paix à traverser le temps de guerre, il se demanda longtemps s'il l'avait vraiment vu, ou s'il avait créé ce moment de douceur pour étayer le moment de folie qui allait venir, avec ce bruit soudain, la geste de la femme, ce corps qui bascule, les clameurs des gens sur la jetée, brouillés par la peur. Plus tard, il comprit qu'il avait vu la mort d'un homme.
Et quelque temps après, vint la destruction de Paris.
Beaucoup moururent. Certains se crurent vainqueurs. D'autres durent prisonniers. Les survivants s'établirent dans le réseau des souterrains de Chaillot.
La surface de Paris, et sans doute de la plus grande partie du monde, était inhabitable, pourrie par la radioactivité. Les vainqueurs montaient la garde sur un empire de rats. Les prisonniers étaient soumis è des expériences qui semblaient fort préoccuper ceus qui s'y livraient. Au terme de l'expérience, les uns étaient déçus, les autres étaient morts, ou fous.
C'est pour le conduire à la salle d'expériences qu'on vint chercher un jour, parmi les prisonniers, l'homme dont nous rancontons l'histoire.
Il avait peur. Il avait entendu parler du chefs des travaux. Il pensait se trouver en face de Savant fou, du docteur Frankenstein. Il vit un homme sans passion, qui lui expliqua posément que la race humaine était maintenant condamnée, que l'Espace lui était fermé, que la seule liaison possible avec les moyens de survie passait par le Temps. Un trou dans le Temps, et peut-être y ferait-on passer des vivres, des médicaments, des sources d'énergie.
Tel était le but des expériences : projeter dans le Temps des émissaires, appeler le passé et l'avenit au secours du présent.
Mais l'esprit humain achoppait. Se réveiller dans un autre temps, c'était naître une seconde fois, adulte. Le choc était trop fort. Après avoir ainsi projeté dans differéntes zones du Temps des corps sans vie ou sans conscience, les inventeurs se concentraient maintenant sur des sujets doués d'images mentales très fortes. Capables d'imaginer ou de rêver un autre temps, ils seraient peut-être capables de s'y réintégrer.
La police du camp épiait jusqu'aux rêves. Cet homme fut choisi enter mille, pour sa fixation sur une image du passé.
Au début, rien d'autre que l'arrachement au temps présent, et ses chevalets. On recommence. Le sujet ne meurt pas, ne délire pas. Il souffre. On continue. Au dixième jour d'expérience, des image commencent à sourdre, comme des aveux. Un matin du temps de paix. Une chambre du temps de paix, une vraie chambre. De vrais enfants. De vrais oiseaux. De vrais chats. De vrais tombes. Le seizième jour, il est sur la jetée.
Vide. Quelquefois, il retrouve un jour de bonheur, mais différent, un visage de bonheur, mais différent. Des ruines. Une fille qui pourrait être celle qu'il cherche. Il la croise sur la jetée. D'une voiture, il la voit sourire. D'autres images se présentent, se mêlent, dans un musée qui est peut-être celui de sa mémoire.
Le trentième jour, la rencontre a lieu.
Cette fois, il est sûr de la reconnaître. C'est d'ailleurs la seule chose dont il est sûr, dans ce monde sans date qui le bouleverse d'abord par sa richesse. Autour de lui, des matériaux fabuleux : le verre, le plastique, le tissu-éponge. Lorsqu'il sort de sa fascination, la femme a disparu.
Ceux qui mènent l'expérience reasserrent leur contrôle, le relancent sur la piste. Le temps s'enroule à nouveau, l'instant repasse. Cette fois, il est pràs d'elle, il lui parle. Elle l'accueille sans étonnement. Ils sont sans souvenirs, sans projets. Leur temps se construit simplement autour d'eux, avec pour seuls repères le goût du moment qu'ils vivent, et les signes sur les murs.
Plus tard, ils sont dans un jardin. Il se souvient qu'il existait des jardins. Elle l'interroge sur son collier, le collier du combattant qu'il portait au début de cette guerre qui éclatera un jour. Il invents une explication.
Ils marchent. Ils s'arrêtent devant uns coupe de sequoia couverte de dates historiques. Elle prononce un nom étranger qu'il ne comprend pas *. Comme en rêve, il lui montre un point hors de l'arbre. Il s'entend dire : « Je viens de là... »
... et y retombe, à bout de forces. Puis une autre vague du Temps le soulève. Sans doute lui fait-on une nouvelle piqûre.
Maintenant, elle dort au soleil. Il pense que, dans le monde où il vient de reprendre pied, le temps d'être relancé vers elle, elle est morte.
Réveillée, il lui parle encore. D'une véritétrop fantastique pour être reçue, il garde l'essentiel : un pays lointain, une longue distance à parcourir. Elle l'écoute sans se moquer.
Est-ce le même jour? Il ne sait plus. Ils vont faire comme cela une infinité de promenades semblables, où se creusera entre eux une confiance muette, une confiance à l'état pur. Sans souvenirs, sans projets. Jusqu'au moment où il sent, devant eux, une barrière.
Ainsi se termina la première série d'expériences. C'était le début d'une période d'essais où il la retrouverait à des moments différents. Elle l'accueille simplement. Elle l'appelle son Spectre. Un jour, elle semble avoire peur. Un jour, elle se penche sur lui. Lui ne sait jamais s'il se dirige vers elle, s'il est dirigé, s'il invente ou s'il rêve.
Vers le cinquantième jour, ils se rencontrent dnaans un musée plein de bêtes éternelles.
Maintenant, le tir est parfaitement ajusté. Projeté sur l'instant choisi, il peut y demeurer et s'y mouvoir sans peine. Elle aussi semble apprivoisée. Elle accepte comme un phénomène naturel les passages de ce visiteur qui apparait et diparait, qui existe, parle, rit avec elle, se tait, l'écoute et s'en va.
Lorsqu'il se retrouva dans la salle d'expériences, il sentit que quelque chose avait changé. Le chef du camp était là Aux propos échangés autour de lui, il comprit que, devant le succès des expériences sur le passé, c'était dans l'avenir qu'on entedait maintenant le projeter.n L'excitation d'une telle aventure lui cacha quelque temps l'idée que cette rencontre au Muséum avait la dernière.
L'avenir était mieux défendu que le passé. Au terme d'autres essais encore plus éprouvants pour lui, il finit par entrer en résonance avec le monde futur. Il traversa une planète transformée, Paris reconstruit, dix mille avenues incompréhensibles. D'autres hommes l'attendaient. La rencontre fut brève. Visiblement, ils rejetaient ces scories d'une autre époque. Il recita sa leçon. Puisque l'humanité avait survécu, elle ne pouvait pas refuser à son propre passé les moyens de sa survie. Ce sophisme fut accepté comme un déguisement du Destin. On lui donna une centrale d'énergie suffisante pour remmettre en marche toute l'industrie humaine, et les portes de l'avenir furent refermées.
Peu de temps après son retour, il fut transféré dans une autre partie du camp.
Il savair que ses geôliers ne l'épargneraient pas. Il avait été un instrument entre leurs mains, son image d'enfance avait servi d'appàât pour le mettre en condition, il avait répondu à leur attente et rempli son rôle. l n'attendait plus que d'êtreliquidé, avec quelque part en lui le souvenit d'un temps deux fois vécu. C'est au fond de ces limbes qu'il reçut le message des hommes de l'avenit. Eux aussi voyageaient dans le Temps, et plus facilement. Maintenant ils étaient là et lui proposaient de l'accepter parmi eux. Mais sa requête fut differente : plutôt que cet avenir pacifié, il demandait qu'on lui rende le monde de son enfance et cetter femme qui l'attendait peut-être.
Une fois sur la grande jetée d'Orly, dans ce chaud dimanche d'avane guerre où il allait pouvoir demeurer, il pensa avec un peu de vertige que l'enfant qu'il avait été devait se trouver là aussi, à regarder les avions. Mais il chercha d'abord le visage d'une femme, au bout de la jetée. Il courut vers elle. Et lorsqu'il reconnut l'homme qui 'avaitl'l suivi depuis le camp souterrain, il comprit qu'on ne s'évadait pas du Temps et que cet instant qu'il lui avait été donneé de voir enfant, et qui n'avait pas cessé de l'obséder, c'était celui de sa propre mort.
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This is the story of a man, marked by an image from his childhood. The violent scene that upsets him, and whose meaning he was to grasp only years later, happened on the main jetty at Orly, the Paris airport, sometime before the outbreak of World War III.
Orly, Sunday. Parents used to take their children there to watch the departing planes.
On this particular Sunday, the child whose story we are telling was bound to remember the frozen sun, the setting at the end of the jetty, and a woman's face.
Nothing sorts out memories from ordinary moments. Later on they do claim remembrance when they show their scars. That face he had seen was to be the only peacetime image to survive the war. Had he really seen it? Or had he invented that tender moment to prop up the madness to come?
The sudden roar, the woman's gesture, the crumpling body, and the cries of the crowd on the jetty blurred by fear.
Later, he knew he had seen a man die.
And sometime after came the destruction of Paris. Many died. Some believed themselves to be victors. Others were taken prisoner. The survivors settled beneath Chaillot, in an underground network of galleries.
Above ground, Paris, as most of the world, was uninhabitable, riddled with radioactivity.
The victors stood guard over an empire of rats. The prisoners were subjected to experiments, apparently of great concern to those who conducted them. The outcome was a disappointment for some - death for others - and for others yet, madness. One day they came to select a new guinea pig from among the prisoners.
He was the man whose story we are telling.
He was frightened. He had heard about the Head Experimenter. He was prepared to meet Dr. Frankenstein, or the Mad Scientist. Instead, he met a reasonable man who explained calmly that the human race was doomed. Space was off-limits. The only hope for survival lay in Time. A loophole in Time, and then maybe it would be possible to reach food, medicine, sources of
energy.
This was the aim of the experiments: to send emissaries into Time, to summon the Past and Future to the aid of the Present.
But the human mind balked at the idea. To wake up in another age meant to be born again as an adult. The shock would be too great.
Having only sent lifeless or insentient bodies through different zones of Time, the inventors where now concentrating on men given to very strong mental images. If they were able to conceive or dream another time, perhaps they would be able to live in it.
The camp police spied even on dreams. This man was selected from among a thousand for his obsession with an image from the past. Nothing else, at first, put stripping out the present, and its racks. They begin again.
The man doesn't die, nor does he go mad. He suffers.
They continue. On the tenth day, images begin to ooze, like confessions. A peacetime morning. A peacetime bedroom, a real bedroom. Real children. Real birds. Real cats. Real graves. On the sixteenth day he is on the jetty at Orly. Empty. Sometimes he recaptures a day of happiness, though different. A face of happiness, though different. Ruins.
A girl who could be the one he seeks. He passes her on the jetty. She smiles at him from an automobile. Other images appear, merge, in that museum, which is perhaps that of his memory.
On the thirtieth day, the meeting takes place. Now he is sure he recognizes her. In fact, it is the only thing he is sure of, in the middle of this dateless world that at first stuns him with its affluence. Around him, only fabulous materials: glass, plastic, terry cloth. When he recovers from his trance, the woman has gone.
The experimenters tighten their control. They send him back out on the trail. Time rolls back again, the moment returns.
This time he is close to her, he speaks to her. She welcomes him without surprise. They are without memories, without plans. Time builds itself painlessly around them. Their only landmarks are the flavor of the moment they are living and the markings on the walls.
Later on, they are in a garden. He remembers there were gardens.
She asks him about his necklace, the combat necklace he wore at the start of the war that is yet to come. He invents an explanation.
They walk. They look at the trunk of a redwood tree covered with historical dates. She pronounces an English name he doesn't understand. As in a dream, he shows her a point beyond the tree, hears himself say, "This is where I come from ..." - and falls back, exhausted. Then another wave of Time washes over him. The result of another injection perhaps.
Now she is asleep in the sun. He knows that in this world to which he has just returned for a while, only to be sent back to her, she is dead. She wakes up. He speaks again. Of a truth too fantastic to be believed he retains the essential: an unreachable country, a long way to go. She listens. She doesn't laugh.
Is it the same day? He doesn't know. They shall go on like this, on countless walks in which an unspoken trust, an unadulterated trust will grow between them, without memories or plans. Up to the moment where he feels - ahead of them - a barrier.
And this was the end of the first experiment.
It was the starting point for a whole series of tests, in which he would meet her at different times. Sometimes he finds her in front of their markings. She welcomes him in a simple way. She calls him her Ghost.
One day she seems frightened. One day she leans toward him. As for him, he never knows whether he moves toward her, whether he is driven, whether he has made it up, or whether he is only dreaming.
Around the fiftieth day, they meet in a museum filled with timeless animals. Now the aim is perfectly adjusted. Thrown at the right moment, he may stay there and move without effort.
She too seems tamed. She accepts as a natural phenomenon the ways of this visitor who comes and goes, who exists, talks, laughs with her, stops talking, listens to her, then disappears.
Once back in the experiment room, he knew something was different. The camp leader was there. From the conversation around him, he gathered that after the brilliant results of the tests in the Past, they now meant to ship him into the Future. His excitement made him forget for a moment that the meeting at the museum had been the last.
The Future was better protected than the Past. After more, painful tries, he eventually caught some waves of the world to come. He went through a brand new planet, Paris rebuilt, ten thousand incomprehensible avenues. Others were waiting for him. It was a brief encounter. Obviously, they rejected these scoriae of another time.
He recited his lesson: because humanity had survived, it could not refuse to its own past the means of its survival. This sophism was taken for Fate in disguise.
They gave him a power unit strong enough to put all human industry back into motion, and again the gates of the Future were closed.
Sometime after his return, he was transferred to another part of the camp. He knew that his jailers would not spare him. He had been a tool in their hands, his childhood image had been used as bait to condition him, he had lived up to their expectations, he had played his part. Now he only waited to be liquidated with, somewhere inside him, the memory of a twice-lived fragment of time.
And deep in this limbo, he received a message from the people of the world to come. They too traveled through Time, and more easily. Now they were there, ready to accept him as one of their own. But he had a different request: rather than this pacified future, he wanted to be returned to the world of his childhood, and to this woman who was perhaps waiting for him.
Once again the main jetty at Orly, in the middle of this warm pre-war Sunday afternoon where he could not stay, he though in a confused way that the child he had been was due to be there too, watching the planes.
But first of all he looked for the woman's face, at the end of the jetty. He ran toward her. And when he recognized the man who had trailed him since the underground camp, he understood there was no way to escape Time, and that this moment he had been granted to watch as a child, which had never ceased to obsess him, was the moment of his own death.
- -
"Une fille qui pourrait être celle qu'il cherche." ainda no Mali, e André Cepeda, anda tudo a dizer a mesma coisa. quase tudo, certos católicos belicistas passam ao lado. e Avatar. sou nova nisto, mas diria que estes vinte e oito minutos de voz, fotos e sons ultrapassam à velocidade da luz muitas terceiras dimensões.
no senses of cinema.
"Todas as imagens são muito marcadas por imagens da nossa infância. As imagens têm a ver connosco, nós temos a ver connosco, com alguma continuidade. A questão da continuidade do tempo é curiosa. Não podemos encontrar uma unidade em relação à passagem do tempo, mas encontramos isto: o tempo não existe, existem muitos tempos. E a nossa memória relativamente a esses tempos é descontínua. Quando somos novos, temos a ideia de que o tempo vai criar uma espessura e que um dia olharemos o passado através dessa espessura. A experiência da passagem do tempo é exactamente esta: essa espessura é descontínua. Há coisas que se passaram há muitos anos e que poderiam ter sido ontem; e há coisas que se passaram há pouco tempo e que ficaram perdidas. Isto tem a ver com aquilo que me perguntava sobre o La Jetée: será que toda a nossa experiência é configurada a partir de um princípio e de uma sequência? Creio que sim e creio que não. Encontramos marcas de coisas primordiais, que vão fazendo a sua reaparição. E há as coisas que nos acontecem na vida, e as pessoas com quem nos vamos encontrando."
Jorge Molder em entrevista no Público
embora Chris Marker seja a propósito da exposição seguinte, na Gulbenkian de Paris.
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